Micromégas

http://www.gutenberg.org/files/30123/30123-h/30123-h.htm, Translator: Peter Phalen


CHAPTER I: Voyage of an inhabitant of the Sirius star to the planet Saturn
Chapitre premier Voyage d'un habitant du monde de l'étoile Sirius dans la planète de Saturne
1.1 | 1.2 | 1.3 | 1.4 | 1.5
CHAPTER II: Conversation between the inhabitant of Sirius and that of Saturn
Chapitre second Conversation de l'habitant de Sirius avec celui de Saturne
2.1 | 2.2 | 2.3
CHAPTER III: Voyage of the two inhabitants of Sirius and Saturn
Chapitre troisième Voyage des deux habitants de Sirius et de Saturne
3.1 | 3.2 | 3.3
CHAPTER IV: What happened on planet Earth
Chapitre quatrième Ce qui leur arrive sur le globe de la terre
4.1 | 4.2 | 4.3
CHAPTER V: Experiments and reasonings of the two voyagers
Chapitre cinquième Expériences et raisonnements des deux voyageurs
5.1 | 5.2 | 5.3
CHAPTER VI: What happened to them among men
Chapitre sixième Ce qui leur arriva avec les hommes
6.1 | 6.2 | 6.3 | 6.4 | 6.5 | 6.6
CHAPTER VII: Conversation with the men
Chapitre septième Conversation avec les hommes
7.1 | 7.2 | 7.3 | 7.4 | 7.5 | 7.6 | 7.7 | 7.8 | 7.9



Chapitre second

Conversation de l'habitant de Sirius avec celui de Saturne

2.1
Après que Son Excellence se fut couchée, et que le secrétaire se fut approché de son visage : « Il faut avouer, dit Micromégas, que la nature est bien variée. – Oui, dit le Saturnien; la nature est comme un parterre dont les fleurs... – Ah ! dit l'autre, laissez là votre parterre. – Elle est, reprit le secrétaire, comme une assemblée de blondes et de brunes, dont les parures... – Eh ! qu'ai-je à faire de vos brunes ? dit l'autre . – Elle est donc comme une galerie de peintures dont les traits... – Eh non ! dit le voyageur; encore une fois la nature est comme la nature. Pourquoi lui chercher des comparaisons ? – Pour vous plaire, répondit le secrétaire. – Je ne veux point qu'on me plaise, répondit le voyageur ; je veux qu'on m'instruise : commencez d'abord par me dire combien les hommes de votre globe ont de sens . – Nous en avons soixante et douze, dit l'académicien, et nous nous plaignons tous les jours du peu . Notre imagination va au-delà de nos besoins ; nous trouvons qu'avec nos soixante et douze sens, notre anneau , nos cinq lunes , nous sommes trop bornés ; et, malgré toute notre curiosité et le nombre assez grand de passions qui résultent de nos soixante et douze sens, nous avons tout le temps de nous ennuyer. – Je le crois bien, dit Micromégas; car dans notre globe nous avons près de mille sens, et il nous reste encore je ne sais quel désir vague, je ne sais quelle inquiétude , qui nous avertit sans cesse que nous sommes peu de chose, et qu'il y a des êtres beaucoup plus parfaits . J'ai un peu voyagé ; j'ai vu des mortels fort au- dessous de nous ; j'en ai vu de fort supérieurs ; mais je n'en ai vu aucuns qui n'aient plus de désirs que de vrais besoins, et plus de besoins que de satisfaction. J'arriverai peut-être un jour au pays où il ne manque rien ; mais jusqu'à présent personne ne m'a donné de nouvelles positives de ce pays-là .» Le Saturnien et le Sirien s'épuisèrent alors en conjectures ; mais, après beaucoup de raisonnements fort ingénieux et fort incertains, il en fallut revenir aux faits. «Combien de temps vivez-vous ? dit le Sirien. – Ah! bien peu, répliqua le petit homme de Saturne. – C'est tout comme chez nous, dit le Sirien ; nous nous plaignons toujours du peu. Il faut que ce soit une loi universelle de la nature. – Hélas! nous ne vivons, dit le Saturnien, que cinq cents grandes révolutions du soleil. (Cela revient à quinze mille ans ou environ, à compter à notre manière.) Vous voyez bien que c'est mourir presque au moment que l'on est né ; notre existence est un point, notre durée un instant, notre globe un atome . A peine a-t-on commencé à s'instruire un peu que la mort arrive avant qu'on ait de l'expérience. Pour moi, je n'ose faire aucuns projets ; je me trouve comme une goutte d'eau dans un océan immense. Je suis honteux, surtout devant vous, de la figure ridicule que je fais dans ce monde.»

CHAPTER II

Conversation between the inhabitant of Sirius and that of Saturn

2.1
After his excellency laid himself down to rest the secretary approached him."You have to admit," said Micromegas, "that nature is extremely varied.""Yes," said the Saturnian, "nature is like a flower bed wherein the flowers—""Ugh!" said the other, "leave off with flower beds."The secretary began again. "Nature is like an assembly of blonde and brown-haired girls whose jewels—""What am I supposed to do with your brown-haired girls?" said the other."Then she is like a gallery of paintings whose features—""Certainly not!" said the voyager. "I say again that nature is like nature. Why bother looking for comparisons?""To please you," repsong the Secretary."I do not want to be pleased," answered the voyager. "I want to be taught. Tell me how many senses the men of your planet have.""We only have 72," said the academic, "and we always complain about it. Our imagination surpasses our needs. We find that with our 72 senses, our ring, our five moons, we are too restricted; and in spite of all our curiosity and the fairly large number of passions that result from our 72 senses, we have plenty of time to get bored.""I believe it," said Micromegas, "for on our planet we have almost 1,000 senses; and yet we still have a kind of vague feeling, a sort of worry, that warns us that there are even more perfect beings. I have traveled a bit; and I have seen mortals that surpass us, some far superior. But I have not seen any that desire only what they truly need, and who need only what they indulge in. Maybe someday I will happen upon a country that lacks nothing; but so far no one has given me any word of a place like that."The Saturnian and the Sirian proceeded to wear themselves out in speculating; but after a lot of very ingenious and very dubious reasoning, it was necessary to return to the facts."How long do you live?" said the Sirian."Oh! For a very short time," repsong the small man from Saturn."Same with us," said the Sirian. "we always complain about it. It must be a universal law of nature.""Alas! We only live through 500 revolutions around the sun," said the Saturnian. (This translates to about 15,000 years, by our standards.) "You can see yourself that this is to die almost at the moment one is born; our existence is a point, our lifespan an instant, our planet an atom. Hardly do we begin to learn a little when death arrives, before we get any experience. As for me, I do not dare make any plans. I see myself as a drop of water in an immense ocean. I am ashamed, most of all before you, of how ridiculously I figure in this world."


2.2
Micromégas lui repartit: « Si vous n'étiez pas philosophe , je craindrais de vous affliger en vous apprenant que notre vie est sept cents fois plus longue que la vôtre ; mais vous savez trop bien que quand il faut rendre son corps aux éléments , et ranimer la nature sous une autre forme, ce qui s'appelle mourir ; quand ce moment de métamorphose est venu, avoir vécu une éternité, ou avoir vécu un jour, c'est précisément la même chose. J'ai été dans des pays où l'on vit mille fois plus longtemps que chez moi, et j'ai trouvé qu'on y murmurait encore. Mais il y a partout des gens de bon sens qui savent prendre leur parti et remercier l'auteur de la nature . Il a répandu sur cet univers une profusion de variétés avec une espèce d'uniformité admirable. Par exemple tous les êtres pensants sont différents, et tous se ressemblent au fond par le don de la pensée et des désirs. La matière est partout étendue ; mais elle a dans chaque globe des propriétés diverses. Combien comptez-vous de ces propriétés diverses dans votre matière ? – Si vous parlez de ces propriétés, dit le Saturnien, sans lesquelles nous croyons que ce globe ne pourrait subsister tel qu'il est, nous en comptons trois cents, comme l'étendue, l'impénétrabilité , la mobilité, la gravitation , la divisibilité, et le reste. – Apparemment, répliqua le voyageur, que ce petit nombre suffit aux vues que le Créateur avait sur votre petite habitation . J'admire en tout sa sagesse ; je vois partout des différences, mais aussi partout des proportions. Votre globe est petit, vos habitants le sont aussi; vous avez peu de sensations; votre matière a peu de propriétés ; tout cela est l'ouvrage de la Providence. De quelle couleur est votre soleil bien examiné ? – D'un blanc fort jaunâtre, dit le Saturnien; et quand nous divisons un de ses rayons, nous trouvons qu'il contient sept couleurs – Notre soleil tire sur le rouge, dit le Sirien, et nous avons trente-neuf couleurs primitives. Il n'y a pas un soleil, parmi tous ceux dont j'ai approché, qui se ressemble, comme chez vous il n'y a pas un visage qui ne soit différent de tous les autres.»
2.2

Micromegas repsong , "If you were not a philosopher, I would fear burdening you by telling you that our lifespan is 700 times longer than yours; but you know very well when it is necessary to return your body to the elements, and reanimate nature in another form, which we call death. When this moment of metamorphosis comes, to have lived an eternity or to have lived a day amounts to precisely the same thing. I have been to countries where they live a thousand times longer than we do, and they also die. But people everywhere have the good sense to know their role and to thank the Author of nature. He has scattered across this universe a profusion of varieties with a kind of admirable uniformity. For example, all the thinking beings are different, and all resemble one another in the gift of thought and desire. Matter is extended everywhere, but has different properties on each planet. How many diverse properties do you count in yours?" "If you mean those properties," said the Saturnian, "without which we believe that the planet could not subsist as it is, we count 300 of them, like extension, impenetrability, mobility, gravity, divisibility, and the rest." "Apparently," repsong the voyager, "this small number suffices for what the Creator had in store for your dwelling. I admire his wisdom in everything; I see differences everywhere, but also proportion. Your planet is small, your inhabitants are as well. You have few sensations; your matter has few properties; all this is the work of Providence. What color is your sun upon examination?" "A very yellowish white," said the Saturnian. "And when we divide one of its rays, we find that it contains seven colors." "Our sun strains at red," said the Sirian, "and we have 39 primary colors. There is no one sun, among those that I have gotten close to that resembles it, just as there is no one face among you that is identical to the others."


2.3
Après plusieurs questions de cette nature, il s'informa combien de substances essentiellement différentes on comptait dans Saturne. Il apprit qu'on n'en comptait qu'une trentaine, comme Dieu, l'espace, la matière, les êtres étendus qui sentent, les êtres étendus qui sentent et qui pensent, les êtres pensants qui n'ont point d'étendue; ceux qui se pénètrent, ceux qui ne se pénètrent pas, et le reste. Le Sirien, chez qui on en comptait trois cents et qui en avait découvert trois mille autres dans ses voyages, étonna prodigieusement le philosophe de Saturne. Enfin, après s'être communiqué l'un à l'autre un peu de ce qu'ils savaient et beaucoup de ce qu'ils ne savaient pas, après avoir raisonné pendant une révolution du soleil, ils résolurent de faire ensemble un petit voyage philosophique.
2.3
After numerous questions of this nature, he learned how many essentially different substances are found on Saturn. He learned that there were only about thirty, like God, space, matter, the beings with extension that sense, the beings with extension that sense and think, the thinking beings that have no extension; those that are penetrable, those that are not, and the rest. The Sirian, whose home contained 300 and who had discovered 3,000 of them in his voyages, prodigiously surprised the philosopher of Saturn. Finally, after having told each other a little of what they knew and a lot of what they did not know, after having reasoned over the course of a revolution around the sun, they resolved to go on a small philosophical voyage together.






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